À peine lancés sur le marché français et déjà freinés. Les constructeurs chinois de voitures électriques ont fait de jolis scores en 2023, du moins pour ceux qui étaient déjà présents, mais le durcissement des conditions d’attribution du bonus, la hausse des frais de douane et un marché compliqué ont inversé la tendance en 2024. Mais en 2025, la tendance pourrait s’inverser grâce à une flexibilité dont seuls les Chinois ont le secret.
Sale temps pour la voiture en ce moment en France, et même plus globalement en Europe. Chaque marché ayant ses particularités, nous allons nous intéresser ici au marché français, un marché que l’on pourrait qualifier de « porteur » pour la voiture électrique en Europe : si leur part a stagné à seulement 17 % en 2024, c’est tout de même mieux que les 15 % à l’échelle européenne.
Plus concrètement, l’année 2024 s’est terminée avec 1 718 417 immatriculations de voitures particulières (VP) neuves (toutes énergies confondues) dans l’Hexagone, soit une baisse de 3,17 % par rapport à 2023 où 1 774 727 VP neufs avaient été immatriculés en France.
Pour remettre en perspective, en 2019, 2 214 279 voitures particulières ont été immatriculées en France, soit une baisse de 22,39 % en prenant pour base 2024. Reviendra-t-on un jour au niveau d’avant crise ? Cela semble bien compromis pour ces prochaines années, même s’il y a quelques motifs d’espoir de reprise.
Du côté des constructeurs nationaux, ça a évidemment dévissé. Stellantis a chuté de 7 %, à 452 116 unités en 2024. Peugeot se maintient au niveau du marché (-3,6 % ; 232 714 immatriculations), mais Citroën semble continuer son inéluctable descente avec une chute de 11,4 % à 111 536 unités.
Le groupe Renault s’en sort un peu mieux avec une baisse de seulement 2,7 % de ses immatriculations. Avec 277 297 unités, la marque Renault devient la plus vendue en France, loin devant Peugeot. Habituée des bons résultats, la marque Dacia chute de 7,3 % (144 979 unités).
Il n’y a pas que des mauvais résultats cela dit, comme Volkswagen, qui, malgré une profonde crise à l’échelle mondiale, s’en sort avec les honneurs en France avec une progression de 5,7 %, à 258 437 unités. Toyota continue de cartonner malgré l’absence d’une vraie gamme de voitures électriques avec une augmentation impressionnante de ses immatriculations de 18,6 % à 134 722 unités.
Des résultats en dents de scie pour les marques chinoises
Et les constructeurs chinois dans tout ça ? MG, qui accapare 80 % des ventes des marques chinoises en France, a vécu une année compliquée. Par exemple, la MG4, qui s’était vendue à 20 072 exemplaires en 2023, n’a fait l’objet que de 8 079 premières immatriculations en 2024. C’est la MG3, disponible uniquement en hybride, qui sauve les meubles avec 8 845 immatriculations l’an passé.
L’année 2024 se conclut pour MG avec un score de 25 782 immatriculations, soit un recul de 25 % par rapport à 2023. Surtout, MG s’en sort grâce à ses nouveaux modèles hybrides (MG3 et MG ZS Hybrid essentiellement) qui représentent 52,8 % des ventes de la marque en France en 2024 (13 628 immatriculations), alors que ces mêmes produits sont arrivés en milieu d’année. MG conserve toutefois sa 19ème position sur le marché français, avec une part de marché de 1,45 %.
Du côté de chez BYD, après un record de ventes à l’échelle mondiale, la marque explose les compteurs en France. Il faut dire que la firme chinoise est arrivée chez nous fin 2022. 2023 était donc une mise sur orbite, 2024, une confirmation, et 2025 devrait être encore meilleure, d’autant plus que BYD devrait enfin avoir des modèles plus accessibles dans sa gamme, notamment avec la future Atto 2 bientôt vendue en France et fabriquée en Europe.
Toutefois, malgré les sept modèles commercialisés, les ventes de BYD restent confidentielles avec seulement 5 415 voitures immatriculées l’an passé. Ce chiffre est en progression de 941,35 % par rapport à 2023, mais là encore, BYD manque encore de notoriété et de vrais modèles accessibles.
BYD doit être plutôt satisfait de son année dans l’Hexagone, avec notamment le bon départ du SUV Seal U, immatriculé à 2 266 unités pour sa première année de commercialisation, soit plus du double de la berline Seal.
Pour ce qui est des autres constructeurs chinois, à savoir XPeng, Leapmotor ou encore Maxus, comme expliqué dans notre dossier dédié, les ventes sont faméliques et leur arrivée sur le marché français datent de seulement quelques mois. Mais eux aussi devront adopter des stratégies semblables à celles de MG et BYD pour s’emparer de quelques précieuses parts de marché.
Pour quelles raisons les constructeurs chinois n’ont pas décollé en France en 2024 ?
Hormis BYD qui affiche une croissance exponentielle compte tenu du fait que la marque partait de zéro, les chiffres de chez MG sont à nos yeux plus révélateurs. En effet, après une année 2023 stratosphérique et environ 34 000 ventes sur l’année, largement propulsée par la MG4 et ses loyers ultra-attractifs (à partir de 99 euros par mois à l’époque), tout est vite retombé quand le gouvernement français a décidé d’indexer le bonus écologique à un éco-score.
Il s’agit d’une manière « diplomatique » de favoriser les constructeurs nationaux, et avec 4 000 euros de subvention en moins, la MG4 restait accessible par rapport à la concurrence, mais l’écart n’est plus aussi significatif par rapport à une Peugeot e-208 par exemple.
Puis au milieu de l’année, la Commission européenne est également venue mettre son grain de sel avec une augmentation des droits de douane pour les voitures électriques importées de Chine. Le groupe SAIC (dont fait partie MG), prend la sanction la plus lourde, à savoir quasiment 40 % d’augmentation de droits de douane en raison d’une coopération somme toute « légère » avec le législateur pour la mise en place de ces taxes. Ceux qui ont davantage coopéré, comme BYD ou Geely (groupe de Volvo ou Smart, entre autres), s’en sortent avec environ 20 % d’augmentation.
MG avait importé suffisamment de voitures pour anticiper cette hausse des taxes intervenues sur le dernier trimestre de l’année dernière, et en ce début d’année, cela ne se fait pas trop ressentir sur les prix. Les tarifs de la MG4 n’ont pas tellement bougé, mais MG doit tout de même gagner moins d’argent sur ses voitures actuellement.
On dit souvent que la concurrence des voitures chinoises vient faire de l’ombre aux marques européennes. C’est très vrai en Chine, où les constructeurs traditionnels voient leurs ventes s’écrouler de mois en mois, les Chinois privilégiant leurs constructeurs locaux, proposant des voitures parfois mieux finies et plus technologiques, le tout à des prix imbattables. Rappelons qui plus est qu’avec la baisse des prix des batteries, certaines voitures électriques sont moins chères que leur équivalence thermique dans le pays désormais.
En Europe, ce sont plutôt les constructeurs européens qui commencent à faire mal aux marques chinoises. Pratiquement seule lorsqu’elle est arrivée sur le marché, la MG4 possède désormais une bonne dizaine de concurrentes directes et indirectes, et même si elle fait partie des moins onéreuses avec l’un des meilleurs rapport qualité/prix, il n’en demeure pas moins que la flopée de nouveautés arrivée en Europe l’an dernier n’a pas aidé.
Tout cela est aussi à conjuguer avec un marché en berne, une hausse des taux d’intérêt et un contexte géo-politique tendu, et cela nous donne un marché bien morose, aussi bien pour les constructeurs européens que chinois.
Disons que les marques chinoises doivent aussi faire face aux vents contraires, notamment avec la hausse des droits de douane et la suppression du bonus, mais la grande force de ces constructeurs, c’est bien évidemment leur adaptabilité. Et MG nous en a livré un bel exemple au second semestre 2024 avec l’expansion de son offre de véhicules hybrides.
Les constructeurs chinois vont rapidement adapter leur offre
Face à un marché électrique qui stagne et un législateur qui semble céder progressivement au lobby automobile qui souhaite globalement que les sanctions liées aux normes CAFE s’assouplissent (voire disparaissent), tout comme l’échéance de 2035, les constructeurs chinois ont vite compris que leur salut ne viendra pas seulement de la voiture électrique.
Preuve en est, en fin d’année dernière, MG ne proposait plus que deux voitures électriques, dont l’une réservée à un marché de niche : la MG4 et le MG Cyberster ! Qui aurait pu penser ça en 2020 quand MG est revenu en France, après 15 ans sans présence, avec le ZS, un modèle qui était alors encore 100 % électrique, et que la marque nous martelait qu’elle ne proposerait que des produits 100 % électriques en Europe.
Face à ça, MG s’est adapté et a vite dégainé des modèles plus en phase avec le marché. La MG3 est une réponse aux Renault Clio E-Tech et Toyota Yaris, deux best-sellers dans leur catégorie, le tout à des prix plus attractifs et avec plus de chevaux sous le capot !
Plus fort encore, MG dévoile l’été 2024 le ZS hybride, moins cher qu’un Dacia Duster ! Quelques semaines plus tard, la marque dégaine la seconde génération de son EHS hybride rechargeable, un modèle plus haut de gamme. Pendant ce temps, trois modèles 100 % électriques disparaissaient purement et simplement du catalogue : le ZS électrique, le Marvel R et le break MG5.
En 2025, MG va introduire six nouveaux modèles, pour atteindre une gamme complète avec 10 voitures, aussi bien électriques, hybrides ou hybrides rechargeables (PHEV). Le nouveau ZS électrique sera sans doute le plus gros lancement, mais force est de constater que MG ne mise plus sur l’électrique, mais bien l’électrification.
Même son de cloche chez BYD. Face aux ventes faméliques du début d’année, le constructeur a lancé en catastrophe une version hybride rechargeable de son SUV Seal U avec la variante DM-i. D’autres pourraient suivre en 2025, mais BYD va se concentrer sur un autre stratagème pour contourner les droits de douane et vendre ainsi ses voitures moins chères en Europe. Nous allons évoquer tout cela plus bas.
De leur côté, les marques qui se lancent comme Xpeng et Leapmotor se concentrent encore que sur l’électrique, mais elles pourraient vite s’adapter aussi, comme l’a fait Maxus, qui proposait au début une gamme d’utilitaires 100 % électriques, mais qui a rapidement changé son fusil d’épaule en ajoutant des moteurs diesel à deux de ses modèles.
Face à un marché compliqué, plusieurs marques chinoises semblent encore dubitatives à l’idée de s’installer en France à court terme. Nio, attendue pourtant depuis quelques mois, devrait arriver avec une autre marque : Onvo.
La raison ? Les modèles Nio sont premium et plutôt chers. Ils se positionnent face à des voitures de chez Audi, Mercedes ou encore BMW, et le constructeur sait pertinemment que la France est avant tout un marché de petites voitures et que ses modèles ne sont pas adaptés. Onvo va proposer des modèles plutôt en concurrence directe avec Tesla et ses Model 3 et Y, sans compter Firefly, censée arriver en 2025 également avec une concurrente de la Renault 5 E-Tech.
Les marques chinoises veulent s’installer durablement en Europe
Avec des droits de douane plus élevés que les autres (la moyenne est à 10 % pour les autres constructeurs en Europe), les marques chinoises comptent là aussi s’adapter, car elles ne sont pas à l’abri de nouvelles mesures contre elles.
Ainsi, nous avons récemment appris que BYD allait tout simplement installer une nouvelle usine en Europe, et plus particulièrement en Hongrie, là où la marque possède déjà une usine pour la fabrication de bus et d’autocar. Ce nouveau lieu de production devrait entrer en service dans le courant de l’année, et il permettra de produire le nouveau SUV Atto 2.
De quoi contourner les droits de douane européens, car ce modèle ne sera plus directement fabriqué en Chine et importé chez nous, mais construit sur le Vieux Continent.
De son côté, Leapmotor, qui est sous le giron de Stellantis, va se servir des usines du groupe en Pologne et bientôt en Italie pour fabriquer ses modèles électriques. Là encore, les droits de douane n’auront plus lieu d’être.
Volkswagen, qui est en difficulté, pourrait céder deux usines en Allemagne. Et devinez qui lorgne dessus ? Les constructeurs chinois, et d’après les premières rumeurs, SAIC et Xpeng, qui ont des joint-ventures avec le groupe Volkswagen en Chine, seraient potentiellement intéressés à l’idée de reprendre ces usines. La fédération allemande automobile n’y serait d’ailleurs pas opposée, car cela permettrait de conserver des emplois.
Du côté de chez MG, c’est un peu plus flou, mais nous savons que SAIC a des projets de construction d’usines en Europe. Pas en France déjà, le constructeur n’étant pas très en adéquation avec le gouvernement depuis l’épisode du bonus indexé à l’éco-score, les premières informations indiquent que MG aurait jeté son dévolu sur l’Espagne, même si la Hongrie serait encore dans la partie.
Adaptabilité et pragmatisme de rigueur
La situation du marché automobile en France, et plus largement en Europe, illustre une période de transition complexe. Les chiffres de 2024 témoignent d’un recul général des immatriculations par rapport aux années précédentes, notamment pré-pandémie, malgré une progression mesurée des véhicules électriques.
Les constructeurs nationaux, comme Renault ou Stellantis, subissent une érosion de leurs parts de marché, tandis que les acteurs étrangers, tels que Toyota et Volkswagen, résistent mieux grâce à des stratégies diversifiées. Par ailleurs, les constructeurs chinois, bien que toujours en phase d’installation, rencontrent des difficultés dues à des politiques protectionnistes européennes et une concurrence accrue sur un marché morose.
Cependant, le dynamisme et l’adaptabilité de certains acteurs offrent des perspectives intéressantes. MG, par exemple, a rapidement ajusté son offre en intégrant davantage d’hybrides et en révisant sa gamme. BYD, avec ses ambitions de production en Europe, illustre une stratégie d’ancrage local face aux barrières douanières.
Ces ajustements reflètent une volonté des marques chinoises de s’implanter durablement dans un contexte hostile, tandis que les constructeurs européens cherchent à préserver leurs positions. Quand certains parlent « d’invasion », de notre côté, nous préférons être plus mesurés et nous ne pouvons pas nous empêcher de faire le parallèle avec l’arrivée des constructeurs japonais et coréens il y a quelques décennies en France et en Europe. Aujourd’hui, en ayant assez de recul, est-ce que l’on peut parler d’invasion japonaise ou coréenne ?
Envie de retrouver les meilleurs articles de Frandroid sur Google News ? Vous pouvez suivre Frandroid sur Google News en un clic.